Véritable institution au Japon, l’art de l’origami japonais (折り紙), ou le pliage du papier tel qu’on le connaît actuellement sur l’archipel, est issu d’une tradition multiculturelle du pliage. Qu’il soit utilisé pour confectionner des décorations religieuses, ou comme simple loisir créatif, l’origami est une pratique millénaire encore très populaire au pays du Soleil-Levant.
D’un art religieux venu de Chine…
Introduit en Corée, puis au Japon, au VIe siècle par des moines bouddhistes, l’art du pliage du papier naît en Chine antique avec la pratique du yuanbao (元寶 yuánbǎo). Permettant de confectionner de petites cocottes en papier de couleur or, le yuanbao s’inscrit alors pleinement dans les rites religieux de l’époque, puisqu’il permet de fabriquer les offrandes destinées aux divinités.
Ce passé religieux, l’art du pliage le conservera alors lorsqu’il passera les frontières japonaises. En effet, le papier étant très cher, son utilisation est généralement limitée à la sphère religieuse. Qu’ils servent de supports pour les écrits sacrés comme les fines feuilles de washi (和紙), ou de talismans, comme les shide (四手), ces accordéons en papier blanc que l’on accroche au bout d’une corde pour les rituels de purification des temples shintos, les origamis étient réservés à l’élite.
Il faudra ainsi attendre l’époque Muromachi (1336-1573) pour qu’ils commencent à s’inscrire dans la vie quotidienne. Dès lors, l’art du pliage devient très prisé de la bourgeoisie qui l’utilise pour offrir des présents : le tsutsumi (包み), l’art de l’emballage des cadeaux, est né.
Ce n’est que sous Edo (1603-1868) que la pratique deviendra un phénomène de masse, les classes populaires accédant enfin à l’origami avec la baisse du prix du papier. Les formes et les techniques de pliage se diversifient, et on commence alors à publier les premiers ouvrages sur la discipline : en 1794 paraît ainsi Tsutsumi no ki (つゝみの記), le premier livre sur les pliages religieux, et en 1797, le premier opus sur l’origami récréatif voit le jour. C’est également à cette époque que le pliage en papier tombe dans la culture populaire, et qu’on lui attribue des vertus porte-bonheur, à l’image de la légende des cent grues en origami qu’il faudrait confectionner pour voir ses vœux s’exaucer.
Très populaire, l’origami apparaît même dans les salles de classe sous l’ère Meiji (1868-1912) pour sensibiliser les enfants aux travaux pratiques. Et bien qu’il perde de son aspect pédagogique à l’époque Taishō (1912-1926), il est devenu en quelques siècles un loisir créatif très apprécié des petits comme des grands.
… à un loisir récréatif toujours populaire au XXIe siècle
Âgé de quelques siècles seulement, l’origami récréatif tel qu’on le connaît aujourd’hui est en réalité issu d’un mélange de traditions japonaises… et européennes !
En effet, si les techniques du pliage ont quitté la Chine au VIe siècle pour les côtes coréennes et japonaises, elles ont également franchi les frontières de l’Europe à partir du XIe siècle. Perçu comme un art délicat, le pliage du papier y est alors rapidement devenu un loisir bourgeois, et de nombreux livres ont même été publiés sur le sujet dès le XVe siècle.
C’est donc tout naturellement que les techniques japonaises et européennes se sont rencontrées au XVIIIe siècle lorsque l’archipel s’est ouvert à l’Occident. C’est également à cette période que le mot »origami » apparaît et que l’art du pliage prend au Japon une direction beaucoup plus récréative.
Un bon exemple de ce mariage des cultures est sans nul doute le livre de Sam Randlett, The Art of Origami, écrit en collaboration avec l’un des plus grands maîtres origami du siècle passé, Akira Yoshizawa. Publié en 1961, cet ouvrage reprend alors toutes les formes élémentaires de pliage pouvant être réalisées avec du papier.
À succès, ce livre sert actuellement de référence à tous les amoureux du pliage du papier à travers le monde. Et le système Yoshizawa-Randlett, un système de codification fait de diagrammes et de symboles pour référencer les techniques de pliage, est encore de nos jours le système faisant autorité dans la discipline.
Aujourd’hui, l’art du pliage continue d’évoluer. Et que ce soient par les techniques, les usages, ou les formes insolites que peuvent prendre le papier, l’origami intrigue et passionne encore de nombreux japonais. La raison ? Son accessibilité ! En effet, aucun talent inné n’est nécessaire pour l’apprécier : un peu de patience, une bonne dose de persévérance, le respect des consignes à lettre, et les joies du pliage sont à vous !
Hommes, femmes, petits, et grands, l’are de l’origami japonais rassemble. C’est pourquoi, il est même utilisé dans certains hôpitaux japonais pour développer les sens des personnes âgées et des malvoyants !
Porte-bonheur, outil pédagogique, ou simple passe-temps, le pliage du papier est donc l’un des arts traditionnels japonais les plus accessibles qui soient. Et si vous doutiez encore de vos capacités en matière de pliage, pas de panique ! Vous pouvez toujours acheter des origamis-tout-faits dans l’un des distributeurs automatiques spécialisés de la préfecture d’Ehime. Ce n’est que 50 yens pièce (0,40 euros).
Tenterez-vous de faire les cent grues pour exaucer votre vœu ?