Vous résidez au Japon depuis maintenant plusieurs mois. Tombé amoureux de la cuisine locale, vous prenez toujours plaisir à découvrir de nouvelles saveurs. Mais voilà qu’au détour d’une rue, l’odeur alléchante des viennoiseries se fait sentir ! Vous avez l’eau à la bouche en pensant aux baguettes sortant du four, et la vue de la boulangerie n’arrange rien à la situation.
Serait-ce le mal du pays ?
Non. Simplement le manque de pain !
Heureusement, il en existe de toutes sortes sur l’archipel. Y compris du pain »français ».
La petite histoire du pain japonais…
Introduit par des missionnaires portugais au XVIe siècle, le pain ne devient populaire au Japon que deux siècles plus tard, avec l’apparition des premiers boulangers japonais.
C’est en effet à cette époque que Yasubei Kimura – un ancien samouraï (侍) reconverti dans la boulangerie – crée les premiers anpan (餡パン), de petits pains sucrés fourrés à la pâte de haricot rouge anko (餡).
Très vite, la recette est un franc succès. Et le Japon voit apparaître ses premières viennoiseries sous forme de pain.
Prenant l’apparence de petits beignets, ces dernières sont souvent sucrées. Et rares sont celles qui ne contiennent que de la mie. Il faudra en réalité attendre la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, pour que les premiers pains non-fourrés voient le jour.
Sous influence de l’occupation américaine, le pain de mie devient alors le nouveau pain à la mode ! Riche en calcium et en vitamines B1, le pain au lait d’Hokkaido comme on l’appelle, vient en effet répondre à un enjeu sanitaire majeur. Il est introduit ainsi dans les déjeuners scolaires à la fin des années 1940, et intègre petit à petit le quotidien japonais où il troque son nom d’origine pour une appellation plus locale. Devenu shokupan (食パン) – ou pain du repas – il fait désormais partie de la cuisine locale.
En moins d’un siècle, la boulangerie japonaise s’est fortement diversifiée. Notamment avec la montée en puissance du sandwich, le produit phare des lunches sur le pouce.
Du jamu pan (ジャムパン) contenant de la confiture, au meron pan (メロンパン) – un petit pain au sucre à l’arôme (très léger) de melon – en passant par le pain au curry, le milieu du XXe siècle voit ainsi apparaître de nombreuses variétés de petits pains tous plus sucrés les uns que les autres ! Car c’est bien là la principale différence qui existe entre les boulangeries françaises et japonaises, leurs recettes de pâte à pain sont TRÈS différentes.
Farine, levure, eau et sel, telle est la recette française du pain.
Farine, levure, eau et huile, telle est la version japonaise.
Vous l’aurez compris, le résultat n’a donc rien à voir. Et bien que les jamu pan et autres petits pains nippons trouvent grâce aux yeux des occidentaux, ils ne ressemblent en rien à notre bonne vieille baguette.
Pour en comprendre la différence, il faut en réalité se tourner vers la notion même de pain qui diffère dans les deux cultures.
Si en France le pain est un aliment qui accompagne le repas, au Japon ce dernier s’apparente à une viennoiserie. C’est pourquoi on aura tendance à le sucrer, et à utiliser de l’huile dans sa recette – le beurre se rapprochant plus ici de la margarine que du beurre qu’on peut trouver en France. Les pains et croissants japonais n’auront alors ni le même goût ni la même texture que leurs homologues français, et c’est bien pour cela qu’on fera la distinction entre boulangerie traditionnelle et boulangerie à la Française.
En effet, le pain français est bel et bien présent au Japon. Et ce depuis le XIXe siècle, à l’époque où les boulangers japonais décident d’entreprendre des voyages d’études en Europe dans le but d’acquérir de nouveaux savoir-faire.
En 1888, les boulangers de la maison Sekiguchi (関口) ouvrent même la première boulangerie japonaise capable de vendre de la baguette française ! Une tradition qui va alors se perdurer, puisque la boulangerie Sekiguchi Furansu-pan (関口フランスパン) – basée à Tokyo près de l’université Waseda- propose désormais plus d’une centaine de produits français, dont les quiches lorraines et les gougères.
Aujourd’hui, de nombreux apprentis viennent chaque année étudier la boulangerie en France. Et certains y rencontrent même un petit succès, à l’image de Shuichiro Kimura, dirigeant de Maison Kayser au Japon.
Où trouver du pain à la française ?
Il existe deux types de boulangeries où vous pourrez assouvir vos envies de baguette au Japon : les petites boutiques japonaises dont le propriétaire est allé étudier en France, et les chaînes françaises installées sur l’archipel.
Comme la première catégorie de boulangeries est plus délicate à trouver que la seconde (qu’on ne connaît que par le bouche à oreille), nous nous focaliserons ici sur les chaînes françaises les plus réputées – à savoir Paul, Maison Keyser et La Boutique de Joël Robuchon.
Avec des magasins dans tout le pays, la version japonaise de Paul propose l’essentiel de ce que nous pouvons trouver à la vente sur l’hexagone – comme des pains, des viennoiseries, ou encore des sandwiches à des prix attrayants pour le Japon (comptez entre 215 yens (1,70 euros) et 420 yens (3, 20 euros) la viennoiserie). Les deux autres boulangeries, basées dans les environs de Tokyo, sont quant à elles plus audacieuses, puisqu’elles proposent une grande variété de desserts et d’en-cas, allant des tartes salées aux pains aux abricots.
Bien évidemment, le savoir-faire français a un prix. Et dans ces deux enseignes, n’espérez pas profiter d’une viennoiserie pour moins de 400 yens (3,10 euros), les tarifs pouvant même décoller chez Robuchon avec des sandwiches avoisinant les 700 yens (5,50 euros).
Pain et café étant souvent associés dans les imaginaires sociaux relatifs à la Mère Patrie, notez enfin que de plus en plus d’établissements élargissent leurs savoir-faire aux arts de la table. A l’image de La brasserie Viron ou du Pain Quotidien, deux enseignes non-françaises, qui jouissent d’une bonne réputation auprès des expatriés européens pour leurs lunches légers et équilibrés.
Combler votre soudaine envie de pain est donc possible au Japon, vous n’avez même que l’embarras du choix !
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